Agricole, Éducation 1er septembre 2025
Seul, si seul
Établir des liens est essentiel au maintien de la santé mentale.
par Lorne McClinton
Nous n'avons jamais eu autant de moyens de communiquer. Vous pouvez vidéobavarder avec votre famille et vos amis, où qu'ils soient dans le monde. Les réseaux sociaux permettent de parler à des milliers de parfaits inconnus. Alors pourquoi tant d'enquêtes révèlent-elles que les agriculteurs ne se sont jamais sentis aussi seuls?
« C'est un paradoxe », explique Pierrette Desrosiers, psychologue du travail spécialisée en exploitations agricoles familiales à Saint-Joseph-de-Coleraine, au Québec. « Nous avons tous ces moyens d'interagir avec les autres, mais il y a une immense solitude. En fait, nous ne communiquons pas vraiment les uns avec les autres. Trop souvent, il s'agit d'une illusion de communication, car nous créons rarement des liens. »
L'agriculture a toujours été un métier solitaire, comme le glorifient les images que nous en avons : le cow-boy solitaire dans la vaste plaine, le laboureur dans le champ vide . . . Le dépeuplement rural a aggravé la situation. Aujourd'hui, il est tout à fait possible de passer une journée entière sans voir personne. Certains savourent la solitude, mais pour d'autres, elle exacerbe l'anxiété et la dépression.
« On ne choisit pas ce métier par désir de socialiser. Il faut un état d'esprit entrepreneurial, autonome et motivé », explique Lesley Kelly, auteure du blogue populaire « High Heels and Canola Fields ». Lesley exploite une ferme avec son mari Matt près de Watrous, en Saskatchewan. Le couple est bien connu pour partager ses difficultés personnelles en matière de santé mentale et son travail avec la Do More Agriculture Foundation, un groupe national canadien qui défend la santé mentale des agriculteurs.
Les agriculteurs passent beaucoup de temps avec leurs pensées, explique Matt Kelly. D'un côté, vous vivez votre passion en faisant un travail que vous aimez, mais si vos pensées s'assombrissent, vous avez tout le temps de ruminer.
« Le téléphone portable a vraiment ouvert la voie aux relations », explique Matt. « Les cafés d'il y a 20 ans sont devenus virtuels. Les gens sont plus enclins à téléphoner plutôt qu'à s'asseoir en face à face avec un café. »
Mais pour beaucoup, l'ère de la Covid a prouvé que les relations virtuelles ont leurs limites. C'est mieux que rien, mais c'est insuffisant pour ceux qui recherchent une compagnie en personne.
Le manque de contacts physiques peut donner l'impression que les mois d'hiver sont encore plus longs, explique Lesley. Il est facile de rester en pyjama et de regarder la télévision toute la journée. Le couple se force donc à sortir de chez eux et à passer du temps avec leurs amis.
Au-dessus. Lesley et Matt Kelly ont constaté qu'il est bon pour leur santé mentale d'aller vers les autres et d'établir des liens avec eux. Selon Pierrette Desrosiers, nous disposons de nombreuses technologies pour interagir et pourtant nous sommes confrontés à une immense solitude. La communication est une illusion, il n'y a aucun lien réel.
Lesley se décrit comme une personne extravertie, sociable et qui a besoin d'être entourée. C'est pourquoi le couple a délibérément choisi de vivre en ville plutôt qu'à la ferme.
« Vivre à la ferme m'aurait causé beaucoup de stress et d'isolement, et je n'aurais pas réussi à m'en sortir », explique Lesley. « Pour l'instant, vivre en ville est plus adapté, surtout avec nos enfants qui font du sport. »
La vie dans les communautés rurales a également changé. Il faut faire les choses différemment pour créer des liens. Pour Lesley, cela signifie remplir ses hivers d'événements agricoles et d'ateliers pour recharger ses batteries sociales. Mais il y a une grande différence entre passer du temps avec des connaissances et partager du temps avec des amis proches en qui on a confiance.
« Vous avez beaucoup d'amis avec qui passer de bons moments », explique Lesley. « Mais il n'y en aura qu'une poignée avec lesquels vous nouerez des liens profonds, avec qui vous pourrez avoir les conversations sur la vie qui vous nourrissent. »
On dit souvent qu'on est trop occupé pour entretenir des amitiés, mais Pierrette Desrosiers conteste cette affirmation.
La technologie est une arme à double tranchant. Vous pouvez utiliser le vidéobavardage pour permettre aux grands-parents de passer plus de temps avec leurs petits-enfants, mais il est courant de voir des groupes au restaurant, absorbés par leur téléphone.
Que vous choisissiez d'utiliser la technologie pour créer des liens ou pour vous isoler davantage, c'est à vous de décider.
Affiner vos compétences. Se faire des amis et établir des relations étroites est une compétence. Comme toute compétence, on peut l'améliorer avec la pratique.
Matt Kelly explique : « Je pourrais vivre à la ferme en ermite et me concentrer à fond sur les tâches qui me semblent prioritaires. Mais je sais maintenant que je peux gérer mon anxiété en allant vers les autres et en créant des liens. Je m'oblige à parler aux gens et à m'impliquer comme entraîneur sportif dès la fin de la récolte. Je suis désormais heureux de donner en retour. » ‡
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