L'homme aux semences

Un agriculteur québécois popularise des variétés de cultures anciennes méconnues.

par Lorne McClinton

Il est rare qu'un agriculteur soit mondialement connu dans un secteur de l'agriculture, mais pratiquement inconnu dans tous les autres. C'est pourtant le cas de Patrice Fortier et de sa ferme, La Société des Plantes, à Kamouraska, au Québec. Il est une vedette du monde gastronomique : les Lauriers de la gastronomie québécoise viennent de le nommer Producteur de l'année pour la préservation, la sélection et la promotion des légumes patrimoniaux.

Depuis 24 ans, Patrice voyage à la recherche de variétés de légumes patrimoniaux et de plantes semi-sauvages d'Europe et d'Amérique du Nord, et les fait découvrir à un public plus large.

Il envisageait son exploitation comme une ferme et un centre culturel qui associerait la culture d'anciens légumes à l'art et à la poésie. Mais sa passion pour la cuisine et sa recherche de variétés anciennes ont fait évoluer son projet. Aujourd'hui, Patrice s'efforce de préserver des variétés oubliées depuis longtemps, et trouve également et promeut celles qui pourraient attirer les marchés commerciaux.

Trouver et promouvoir. Patrice explique : « Je trouve [des variétés de plantes] et j'en fais la promotion. Mon objectif est de vendre des paquets de graines en gros formats afin que les agriculteurs les cultivent en grandes quantités pour répondre à la demande des restaurants haut de gamme. »

Tôt dans sa carrière d'agriculteur, Patrice a découvert que le simple fait de pouvoir trouver et multiplier les graines de légumes presque oubliés ne signifiait pas qu'il existait un marché pour eux. Même s'ils étaient délicieux et offraient toutes sortes de bénéfices, peu de gens achetaient des légumes qu'ils ne connaissaient pas. Il a donc décidé de familiariser les gens avec ces légumes grâce à des ateliers sur la ferme et l'alimentation. Les participants sont invités à se promener dans le jardin, à voir les différentes variétés pousser, puis à apprendre à préparer les légumes et à les goûter.

« Le chervis est un légume très ancien qui était populaire au Moyen-Âge », explique Patrice. « Il regagne en popularité parce que c'est un légume vivace qui ressemble un peu à la carotte. Mais il est beaucoup plus sucré que n'importe quelle carotte. Si vous le faites frire, c'est un vrai régal. »

Au-dessus. Les ateliers dans sa ferme font partie de ses efforts pour promouvoir des plantes anciennes auprès des chefs et des gourmets. Ils y ont la possibilité de découvrir des plantes comme l'arroche (épinard de montagne) dont les feuilles violettes colorent les salades.

L'un des plus grands succès de Patrice est le navet noir (Pardailhan) qui reçoit beaucoup d'éloges de Slow Food USA. Il l'a découvert dans un livre français qui lui consacrait un chapitre. Patrice a décidé qu'il devait en cultiver et est rapidement tombé amoureux de son goût.

« C'est un navet totalement différent », explique-t-il. « Je l'ai servi cru à ma famille à Noël; personne n'a deviné que c'était un navet. » Pendant 15 ans, Patrice était le seul à le vendre en Amérique du Nord.

Certains légumes ont souvent disparu car ils demandaient plus de travail à faire pousser ou à récolter. Mais ils ont souvent de bonnes caractéristiques, par exemple ils sont plus résistants aux inondations, aux maladies ou aux ravageurs. Patrice essaie donc de les adapter aux conditions modernes dans son programme de sélection.

« Le goût et l'apparence sont très importants dans nos programmes de sélection », explique-t-il. « Je travaille actuellement sur une variété de laitue française du 19e siècle, la Grosse blonde paresseuse. Les feuilles doivent être blondes, avoir l'air paresseuses et être grasses. Si la plante est stressée, les feuilles n'ont pas l'air paresseuses. Je trouve que [les légumes] ont des personnalités, c'est pourquoi nous appelons notre ferme La Société des Plantes. »

La demande pour les légumes du patrimoine, en particulier les légumes aromatiques, est en plein essor en raison de la demande de l'industrie de la micro-brasserie et de la micro-distillerie. Les brasseurs et les distillateurs sont toujours à la recherche de nouvelles saveurs. Le goût de réglisse de l'angélique norvégienne en est un bon exemple.

« L'angélique pousse dans les climats froids et nordiques », explique Patrice. « Les Vikings l'utilisaient à des fins culinaires et médicinales et c'est le seul légume qui pousse au Groenland. C'est une plante étonnante qui a une longue histoire. Ses tiges étaient confites et utilisées dans les pâtisseries, mais nous ne savions pas quoi en faire. Aujourd'hui, nous vendons les graines et les racines, et ces dernières années, un grand marché de poivre d'angélique s'est ouvert dans l'industrie de la distillerie. Nous proposons même un atelier sur l'angélique. Les gens peuvent s'inscrire à l'un de nos ateliers gourmands sur notre site Web, lasocietedesplantes.com. »