LE SILLON

UNE PUBLICATION DE JOHN DEERE

En 2021, le réservoir Hyatt Lake de 16 900 acres de l’Oregon est presque à sec.

Agriculture/Éducation Janvier 01, 2022

Contre la secheresse

Associer technologie et créativité lorsque l’eau manque cruellement.

par Steve Werblow

La sécheresse pourrait être une menace pour l’agriculture.

année depuis deux décennies, au moins une partie de l’Occident connaît une période de sécheresse. Le climatologue agricole Jerry Hatfield, directeur à la retraite du Laboratoire agroenvironnemental de l’USDA à Ames, en Iowa, explique que « le ratio entre précipitations printanières et estivales dans le Midwest est en train de changer, avec un plus fort débit au printemps qu’en été ».

« En fait, l’été devient de plus en plus variable, avec des quantités de pluie décroissantes », ajoute-t-il. « Notre schéma de précipitations est aussi marqué par le nombre de tempêtes violentes. Un grand nombre de nos tempêtes deviennent des événements intenses à fort volume. »

Les tendances en matière de pluie et de neige mettent les agriculteurs au défi, car le terme « sécheresse » est à la fois météorologique, hydrologique et agricole.

Trois définitions. L’Occident vit une sécheresse météorologique avec des pénuries de précipitations. Puis, ce sera une sécheresse hydrologique, car les cours d’eau ne parviennent pas à stocker l’eau à cause d’un déficit d’écoulement.

Les climatologues prédisent plus de saisons comme 2021 dans le Midwest : les tempêtes printanières retarderont la plantation et délocaliseront les racines, s’ensuivra une sécheresse agricole et un manque d’eau.

Les groupes pour la protection de l’eau évoquent aussi la sécheresse réglementaire causée par l’allocation de l’eau d’irrigation. En raison des besoins environnementaux en eau – ex. maintien des niveaux cibles des rivières pour protéger l’habitat du poisson – des obligations liées aux traités et des besoins d’une population croissante, la sécheresse réglementaire est plus certaine que la sécheresse climatique.

Dan Keppen de la Family Farm Alliance souligne que lorsque le grand barrage de stockage d’eau du projet Central Valley a été achevé en 1978, la population de la Californie était de 24,2 millions d’habitants. Aujourd’hui, elle est de 39,5 millions. Les millions d’acres-pieds d’eau alloués aux agriculteurs ont été réaffectés aux besoins environnementaux.

Le groupe de Keppen s’est associé à des groupes agricoles et de conservation pour faire pression en faveur de l’entretien de l’infrastructure, de nouveaux entrepôts et mesures incitatives pour la conservation pour permettre aux utilisateurs de lutter contre la sécheresse.

Au Dessus, à gauche. Leti Catoira, responsable du vignoble, fait appel à un réseau au sein de Jackson Family Wines afin de préparer les prochaines décennies. Au Dessus, à droite. Selon Leslie Roche, de l’Université de Californie, à Davis, les plans de lutte contre la sécheresse aident les éleveurs à gérer les stocks, les abattages et les ventes. La clé, selon elle : fixez des dates de déclenchement et notez ce qu’il faut faire si ces déclencheurs sont activés.

Génétique. Même s’il y a de l’eau, les températures, dont les nuits plus chaudes, constituent une menace. Hatfield a comparé le maïs cultivé dans une chambre réglée aux températures extérieures avec trois hybrides cultivés à des températures accrues (+ 7,2 °F).

Les plantes se sont développées de façon comparable, mais les rendements ont chuté de 85 % dans la chambre chaude. La chaleur a perturbé la pollinisation et, avec les nuits chaudes, les plantes ont dû métaboliser les glucides produits le jour.

Les entreprises de semences tentent d’agir face à ces dangers. Geoff Graham, vice-président de Corteva Agriscience et acteur mondial de la sélection végétale, explique que les sélectionneurs s’attaquent au stress abiotique – ex. sécheresse ou chaleur – ainsi qu’au stress biotique – ex. changements dans la pression pathogène.

L’équipe de Graham exploite des parcelles d’essai pour comprendre la quantité d’eau dont les plantes ont besoin et le moment où elles en ont besoin. Des souffleries portatives peuvent ensuite simuler des tempêtes de vent de 60 à 80 mi/h pour tester le phénomène de bris de tige spontané et la verse racinaire.

Après avoir repéré les attributs, les chercheurs identifient les marqueurs génétiques qu’ils suivront au cours de la sélection.

Graham précise qu’il existe des hybrides à courte maturité pour obtenir deux récoltes en allongeant les saisons ou pour aligner leurs cultures sur les régimes climatiques et profiter du printemps humide et de la phase de remplissage du grain avant l’été trop sec.

À McMinnville, en Oregon, Leti Catoira, au vignoble de Jackson Family Wines, explique qu’elle procède à la sélection de variétés et à la sélection clonale en surveillant les changements – ex. durée de la saison, chaleur, précipitations, maladies – et l’acceptation du client.

« Nous pourrions cultiver un merveilleux raisin plus résistant et plus efficace dans ses besoins en eau sans avoir à pulvériser aussi souvent, mais nous ne sa-vons pas si le client va aimer et boire le produit », souligne-t-elle. « Tout commence donc par l’éducation du consommateur. »

Graham explique que les sélectionneurs de semences se fient aussi aux clients pour l’emploi des technologies de sélection.

« Nous avons la science, la technologie, les capacités et les connaissances », confie-t-il. « Je ne sais pas si nous serons autorisés à utiliser tous ces éléments pour résoudre les problèmes. C’est ce qui me fait peur. »

Au Dessus. Le lac Shasta, en Californie, a connu une baisse de 25 % de sa capacité en 2021. Lorsque le barrage a été achevé en 1945, la Californie comptait 9,3 millions d’habitants; aujourd’hui, elle en compte 39,5 millions. Les changements de pluie et de neige, et l’air plus chaud donnent lieu à des épisodes de sécheresse. Pour Jerry Hatfield, de l’USDA-ARS, des facteurs, comme le stockage de matière organique dans le sol et les résidus de culture aident à optimiser chaque goutte d’eau.

Planification. Pour Leslie Roche de l’Université de Californie à Davis, prévoir est essentiel, d’après son étude sur la sécheresse de 2016 dans son État.

« Il faut écrire un plan de lutte contre la sécheresse », conseille-t-elle. « Quelles sont mes ressources, quelle est ma capacité, combien faut-il d’animaux pour soutenir mon exploitation?

« Réfléchir à ces questions avant d’être dans la période de triage, avoir un plan en place, cela allège la charge mentale », ajoute-t-elle. « Fixer des dates, car si à cette date il ne pleut pas, qu’allez-vous faire? Ce processus est essentiel afin de ne pas reporter continuellement. »

Outil : le Centre d’atténuation de la sécheresse de Lincoln, au Nebraska, publie des cartes mises à jour toutes les semaines et fournit des outils et des prévisions à long terme; droughtmonitor.unl.edu. (Au Canada, un outil similaire est sur https://agriculture.canada.ca/fr/)

« Il ne faut pas prendre de décisions sur le coup de l’émotion », admet le climatologue Brian Fuchs du Centre d’atténuation. « Seuls les faits doivent orienter la décision. Cela vous évitera de vous angoisser à la recherche de solutions, car vous avez déjà un plan solide. » ‡